vendredi 28 mars 2008

Le jihad : le point de vue de Bernard Lewis









[..]"La charia est simplement la loi et il n'y en pas d'autre. Elle est sainte en ce qu'elle vient de Dieu, et est l'expression extérieure et immuable des commandements de Dieu à l'humanité. C'est sur l'un de ces commandements que se fonde la notion de guerre sainte, au sens d'une guerre ordonnée par Dieu. Le terme ainsi traduit est djihad, mort arabe au sens littérale de'tentative", d''effort", ou de lutte'. Dans le Coran et, plus encore, dans les traditons, généralement mais non invariablement suivi des mots"dans la voie de Dieu" il a le plus souvent été compris comme signifiant "faire la guerre". Les grandes collections de hadiths renferment toutes une section consacrée au djihad, où la signification militaire l'emporte. La même chose est vraie des manuels classiques de la charia. Certains ont soutenu que djihad devait s'entendre en un sens moral et spirituel, plutôt que militaire.. De semblables arguments ont parfois été avancés par des théologiens chiites de l'âge classique, et plus fréquemment par des modernistes et des réformistes au XIX et XX siècles. Pourtant l'écrasante majorité des théologiens classiques, des juristes et tenants de la tradition, comprenaient l'obligation du djihad dans un sens militaire et l'ont examinée et interprétée en conséquence.

Dans les ouvrages de droit, des règles minutieuses ont été posées, régissant le commencement, la conduite et la conclusion des hostilités et abordant des questions spécifiques, telles que le traitement des prisonniers et des populations conquises, le châtiment des espions, la disposition des avoirs ennemis et l'acquisition et la distribution du butin. Si les prescritions attestent un vrai souci des valeurs et des critères moraux, il est difficile de les donner pour une interprétation morale et spirituelle du djihad comme tel.

Suivant l'enseignement musulman, le djihad est l'un des éléments de la profession de foi, une obligation imposée à tous les musulmans par Dieu par la révélation. Dans une guerre offensive, c'est une obligation pour la communauté musulmane dans sa totalité(fard kifaya) ; dans une guerre défensive, c'est une obligation personnelle pour tout musulman mâle adulte(fard 'ayn). En pareille situation, le souverain musulman pouvait lancer un appel général aux armes(nafir 'amm).L'obligation du jihad se fonde sur l'universalité de la révélation musulmane. La parole de Dieu et le message de Dieu s'adresse à l'humanité ; c'est le devoir de ceux qui ont acceptés de peiner(djahada) sans relâche pour convertir ou, à tout le moins, pour soumettre ceux qui ne l'ont pas fait. Cette obligation n'a de limites ni dans le temps ni dans l'espace. Elle doit durer jusqu'à ce que le monde entier ait rallié la foi musulmane ou se soit soumis à l'autorité de l'Etat islamique. Jusqu'à ce moment, le monde est partagé en deux, la Maison de l'islam(Dar-al islam), où s'imposent la domination et la loi de l'islam, et la maison de la guerre(dar- al Harb) qui couvre le reste du monde. Entre les deux existe un état de guerre moralement nécessaire, juridiquement et religieusement obligatoire, jusqu'au triomphe final et inévitable de l'islam sur l'incroyance.Selon les livres de droit, cet état de guerre pouvait être interrompu, si besoin était, par un armistice ou une trêve de durée limitée. Il ne pouvait pas se conclure par une paix, mais seulement par une victoire finale."


Bernard Lewis, Islam "Le langage politique de l'Islam" Gallimard,2005 pp.761-764

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