vendredi 16 mai 2008

L'affaire gouguenheim[6] : Défense contre les chefs d'inculpation d'un procès stalinien


Il peut arriver que l'acharnement des inquisiteurs tournent au ridicule. Ainsi, dans leur article-réquisitoire"Une démonstration suspecte" publié dans Le Monde, Mr Gabriel Martinez-Gros, Professeur d'histoire médiévale à l'université Paris-VIII et
Julien Loiseau, Maître de conférences en histoire médiévale à l'université Montpellier-III


reproche à Mr Gougenheim une mauvaise définition des concepts :




"Dans sa démystification de l'hellénisation de l'islam, Sylvain Gouguenheim confond "musulman" et "islamique", ce qui relève de la religion et ce qui relève de la civilisation. Les chrétiens d'Orient ne sont certes pas musulmans, mais ils sont islamiques, en ce qu'ils sont partie prenante de la société de l'islam et étroitement intégrés au fonctionnement de l'Etat."[1]




Il est intéressant de noter que nos auteurs viennent d'inventer un nouveau concept : les chrétiens d'orient islamiques. On notera d'ailleurs qu'il utilise sciemment le terme islam et non pas Islam comme critère d'appartenance. On peut logiquement penser qu'ils existent des Juifs islamiques et que nos deux auteurs pensent symétriquement qu'il a existé des musulmans chrétiens[ex : Sicile, Espagne etc,] ou des Juifs chrétiens.

Or, le biais idéologique de la phrase de nos inquisiteurs est justement dénoncé avec force par Sylvain Gouguenheim.[2]En effet, celui-ci écrit :


"Une autre approximation consiste à faire du monde islamique un bloc homogène, à confondre en particulier arabité et islamisme, attribuant à l'Islam, civilisation fondée sur une religion, ce qui relève de la culture de langue arabe. Or l'univers arabe ne peut être réduit à une seule foi, pas plus de nos jours qu'au Moyen Age. A cet égard, les données démographiques sont importantes : les arabes chrétiens et les chrétiens arabisés du fait de la conquête musulmane constituaient encore près de la moitié de la population des pays d'Islam aux alentours de l'an mil". [3]







[2] Le procédé utilisé par nos deux universitaires est complété par d'autres procédés. Par exemple, le fait d'arabiser ethniquement de simples locuteurs de langue arabe cf. Ahmed Djebbar ou établir l'équation grossière arabe= musulman cf la chronique d'Anaïs Kien dans l'émission La Fabrique de l'Histoire diffusé sur France Culture le 25/04 . J'analyserai cette technique dans un prochain post.


[3]Sylvain Gouguenheim "Aristote au Mont Saint Michel" Seuil, 2008 pp.15-16








jeudi 15 mai 2008

L'affaire gougenheim [5] : défense contre les chefs d'inculpation d'un procès stalinien


Dans un procès stalinien, l'insulte est une arme redoutable. Evidemment, elle doit être utilisée sans aucune justification lorsqu'elle porte sur une question historique. Mr Thierry Leclère classe le livre de Mr Gougenheim dans la catégorie pamphlet et juge qu'il reprend des inepties-notamment celle-de Mr Brague.

Ainsi, Mr Thierry Leclerc affirme :



Les exemples pullulent. En revanche qu’un médiéviste reconnu comme Sylvain Gouguenheim, professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, se laisse aller au pamphlet et reprenne des inepties comme « La curiosité envers l’autre est une attitude typiquement européenne, rare hors d’Europe, et exceptionnelle en Islam » (citation empruntée à l’universitaire Rémi Brague, p. 167)[1]



Or Mr Thierry Leclère oublie de mentionner deux informations. D'une part, cette citation est nuancée par la suite du texte de Mr Gougenheim. On lit donc au début du chapitre du livre :


"« La curiosité envers l’autre est une attitude typiquement européenne, rare hors d’Europe, et exceptionnelle en Islam » Propos rude mais exact. On peut l'atténuer en rappelant les noms de Masudi (mort en 956)-l'auteur des Prairies d'or, dont les deux cinquièmes sont consacrés aux peuples non musulmans-ou d'Al-Biruni, seul auteur musulman à s'être intéressé au monde hindou."[2]



D'autre part, Mr Thierry Leclère oublie ou ne sait probablement pas que la citation de Mr Brague-reprise dans le livre de Mr Gougenheim- s'appuie sur les travaux de l'islamologue Bernard Lewis publiés dans son livre Comment l'islam a découvert l'Europe. Celui-ci écrit notamment en conclusion sur cette question:"La vieille attitude de mépris et d'indifférence se transforme, du moins chez certains éléments de l'élite dirigeante. Enfin, les musulmans se tournent vers l'Europe, sinon avec admiration, du moins avec respect et peut-être même crainte. Ils lui font le suprême hommage de l'imiter. Une nouvelle phase de cette découverte commence ; elle se poursuivra presque jusqu'à notre époque."[3]



Sans aller jusqu'à se donner la peine de lire cet ouvrage, Mr Thierry Leclère pourrait peut-être s'interroger sur les raisons de la naissance de l'ethnologie en Occident et pas ailleurs.



Notes:


[1]http://www.telerama.fr/idees/polemique-autour-d-un-essai-sur-les-racines-de-l-europe,28265.php .La citation se retrouve dans Rémi Brague Au moyen du Moyen âge Philosophies médiévales en chrétienté, judaïsme et islam Les Editions de la Transparence p.254


[2]Sylvain Gougenheim Aristote au Mont Saint Michel Seuil, p.167


[3]Bernard Lewis Comment l'islam a découvert l'Europe Gallimard p.295

Autre citation de Lewis" Les musulmans avaient une perception bien différente de la terre et ses peuples. Jusqu'au XIX siècle, leurs auteurs d'ouvrages historiques et géographiques n'ont aucune idée des noms que les Européens donnaient aux continents. L'Asie leur est inconnue, l'Europe, aux contours très vagues et appelée Urûfa, n'est mentionnée qu'en passant, tandis que l'Afrique, arabisée en Ifrîkiya, désigne simplement le Maghreb Oriental, formé par la Tunisie les régions attenantes " in Comment l'islam a découvert l'Europe, Gallimard p.53

mercredi 14 mai 2008

L'affaire Gougenheim [4] : défense contre les chefs d'inculpation d'un procès stalinien


Mr Passouline sur son blog Le monde des livres affirme que l'on reproche à Mr Gougenheim ” De postuler que par principe la pensée arabo-musulmane était incapable de rationaliser tant elle était bloquée par la Parole révélée du Coran.”[1]






Or, Mr Gouguenheim écrit simplement […]Je ne peux suivre Alain de Libera qui crédite l’Islam d’avoir effectué ” la première confrontation de l’hellenisme avec le monothéisme”-oubliant les Pères Grecs !- et estime que c’est à l’Islam que l’occident doit la raison et la rationalité :”La raison, improprement dite”occidentale”, telle la lumière, vient aussi de l’Orient” Si l’exercice de la raison est universel, la pratique du raisonnement démonstratif est née en Grèce.


Plus loin, il apporte une précision sur la place de la raison dans le mouvement mu'tazilites.

[..] On comprend donc que les mu’tazilites ne s’opposèrent pas au dogme d’un Coran incrée par réaction rationaliste, au sens occidental du terme, mais par piété. On se tromperait en voyant en eux des théologiens “thomistes” avant la lettre, des annonciateurs du rationalisme cartésien, voire des libres penseurs. Eux-mêmes se voulurent toujours parfaitement fidèles à la lettre du Coran”




Notes :




[2]Sylvain Gougenheim, Aristote au Mont Saint-Michel : Les racines grecques de l'Europe chrétienne Seuil p.140


[3]Ibid. p.156

mardi 13 mai 2008

L'affaire Gougenheim [3] : défense contre les chefs d'inculpation d'un procès stalinien


Mr Passouline sur son blog Le monde des livres affirme qu’on reproche à Mr Gouguenheim ” De dévaluer la production savante des arabo-musulmans, en mathématiques et en astronomie notamment, entre le IX et le XIIIème siècle”[1]. De même, Thierry Leclerc affirme dans article de Télérama que Sylvain Gougenheim "considère que la civilisation islamique se serait avérée quasiment incapable d’assimiler l’héritage grec."[2]


Or, Mr Gougenheim ne dévalue aucunement la production savante des arabo-musulmans[on notera encore une fois le raccourci induit par cette expression] et n'affirme pas que la civilisation islamique a été incapable d'assimiler l'héritage grec, il apporte simplement une nuance à la doxa. Ainsi, il écrit :” Non que le monde islamique soit resté passif face au savoir grec. Il le soumit à un filtre, l’orienta dans un sens religieux, le reprit, voire le prolongea dans certains aspects comme en mathématiques ou en médecine.”[3]



[1]http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/04/27/laffaire-aristote-chronique-dun-scandale-annonce/
[2]http://www.telerama.fr/idees/polemique-autour-d-un-essai-sur-les-racines-de-l-europe,28265.php
[3]Sylvain Gougenheim, Aristote au Mont Saint-Michel : Les racines grecques de l'Europe chrétienne Seuil p.183

lundi 12 mai 2008

L'affaire Gougenheim[2] : défense contre les chefs d'inculpation d'un procès stalinien




Dans l'article intitulé Une démonstration suspecte publié dans Le Monde Mr Gabriel Martinez-Gros, Professeur d'histoire médiévale à l'université Paris-VIII et de Mr Julien Loiseau, Maître de conférences en histoire médiévale à l'université Montpellier-III écrivent« Dans sa révision de l'histoire intellectuelle de l'Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim passe pratiquement sous silence le rôle joué par la péninsule Ibérique, où on a traduit de l'arabe au latin les principaux textes mathématiques, astronomiques et astrologiques dont la réception allait préparer en Europe la révolution scientifique moderne ».






Or, Sylvain gougenheim ne passe pas sous silence l'apport des traductions de la péninsule Ibérique reconquise. Il mentionne simplement d'autres courants de traductions contemporain de celui-ci. Ainsi il affirme que :




Pendant près de deux siècles, ses compatriotes vinrent recueillir des manuscrits grecs ou arabes et les rapportèrent en Italie[…]Ils jouèrent un rôle aussi important que Tolède ou Palerme et viennent s’ajouter à la liste des centres de renaissance culturelle de l’Europe du début du XII siècles " [1]








Plus loin, il affirme que “celles-là mêmes[en parlant de certains ouvrages d'Aristote traduit au Mont Saint Michel] dont on pensait que l’Occident ne les avait connues que grâce aux versions transcrites à Tolède.”[2]








Notes:


[1]Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel : les racines grecques de l’Europe chrétienne Seuil, L’Univers historique, 2008 p.105




[2 ]Ibid p.117

vendredi 9 mai 2008

L'affaire Gougenheim [1] : défense contre les chefs d'inculpation d'un procès stalinien


Ouverture d'une série spéciale sur l'affaire Gougenheim(pour un bon résumé de l'affaire voir les excellents articles du spitz japonais ). Il s'agira de démontrer que nous assistons à un cas d'école de l'islamiquement correct [pour un récapitulatif extreme- centre ]. La première série d'article sur l'affaire démontrera à partir des extraits du livre de Sylvain Gougenheim les fausses accusations proférés à l'encontre de son travail. La deuxième série d'article consistera à exhumer [à partir de documents papier et lien internet] le background idéologique et institutionnel de cette étrange mobilisation "juridico-médiatique" autour de cet ouvrage.



L'une des techniques favorites de nos nouveaux muhtasib va consister à discréditer la victime en sous-entendant que son livre est une escroquerie intellectuelle qui consiste à s'approprier les découvertes historiques des autres.



Ainsi , dans son appel intitulé' Prendre de vieilles lunes pour des étoiles nouvelles, ou comment refaire aujourd’hui l’histoire des savoirs ' le collectif d'historien (-ne)s affirme"




"Il suffira, pour donner une idée de cet ouvrage, de mentionner qu’à en croire Le Monde son auteur, spécialiste des chevaliers teutoniques, pense réécrire l’histoire culturelle médiévale en s’appuyant sur la « découverte » de Jacques de Venise et de ses traductions d’Aristote[...]L. Minio-Paluello, le premier, a attiré l’attention du monde savant sur l’importance du rôle de Jacques de Venise*" et de citer deux ouvrages en guise de références.(voir la fin de l'article)




Or, Sylvain Gougenheim ne dit pas autre choses lorsqu’il écrit «Jacques de Venise est le chaînon manquant dans l’histoire du passage de la philosophie aristotélicienne du monde grec au monde latin. L’homme mériterait de figuer en lettres capitales dans les manuels d’histoire culturelle Si les philosophes ont reconnu son importance, grâce aux travaux de L. Minio-Paluello, les historiens ne lui consacrent guère d’attention. Or, grâce à son labeur, les plus grandes figures du monde occidental ont eu accès aux textes d’Aristote, par le biais de traductions élaborées directement à partir du texte grec, en un temps où l’on n’avait pas encore entamé à Tolède les traductions à partir des versions arabes » [1]


Non seulement les deux ouvrages cités par nos pétitionnaires se trouvent dans la bibliographie de l'ouvrage mais Mr Gougenheim fait mention de 3 autres articles de L. Minio-Paluello[2]



D'autre part, l'objectif de son livre est de rappeler qu' "En somme l'histoire du développement culturel de l'Europe médiévale, et en particulier de sa réappropriation du savoir grec, histoire dense et complexe, n'obéit pas au schéma trop simple et trop linéaire qui tend de nos jours à s'imposer. C'est donc à une tentative de rééquilibrage scientifique d'une vision unilatérale et orientée que je me suis attelé, en voulant donner à un public aussi large que possible, en dépit de leurs aspects techniques ou érudits, des éléments d'informations et de comparaison issus des travaux de spécialistes, souvent peu médiatisés. Mon intention n'est pas polémique, sauf à considérer comme tel le souci de réfuter des discours faux"[3]




[1] Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel : les racines grecques de l’Europe chrétienne Seuil, L’Univers historique, 2008 p.106-107

[2]Ibid. p.273

[3]Ibid. p.10