vendredi 17 mars 2006

Document : Compte rendu officiel de la rencontre entre le Mufti de Jérusalem et Hitler du 28 novembre 1941


Dans l'entre-deux-guerres puis pendant la seconde guerre mondiale, des liens idéologiques, politiques et militaires vont se créer entre les mouvements fascistes et les islamistes. L'un des épisodes les plus célèbres de cette alliance "secrète" est l'entrevue entre le Mufti de Jérusalem, Ajj Amin al-Husseini et Adolf Hitler et se déroule à la fin 1941.

Depuis quelques semaines, Hitler a constaté que la campagne de Russie ne se déroulait pas comme prévue, que la guerre serait longue et totale, et il en attribue la faute aux juifs. Il a signifié plus qu'ordonné à ses subordonnés l'extermination des juifs d'Europe.
De son côté, le parti du Mufti est en fuite. Malgré, l'aide des avions allemands, Amin Al-Husseini et ses compagnons(dont le célèbre Rachid Ali) ont échoué à renverser définitivement le gouvernement pro-britannique en Irak. Après s'être réfugié en Iran, Al -Husseini et sa suite passent en Turquie avant de gagner l'Europe. Ses aventures irakiennes lui permettent de se poser maintenant comme le chef d'un mouvement national s'étendant sur l'ensemble du monde arabe, du Golfe à l'Océan.
C'est dans ce contexte que le 28 novembre 1941, Hitler reçoit le Mufti Al-Husseini.







Compte rendu officiel de la rencontre est dû à l'interprète allemand Schmitt(le mufti s'exprimant en français) :


«
Le Grand Mufti commença par remercier le Führer pour le grand honneur qu’il lui avait fait en le recevant. Il souhaitait saisir l’occasion pour apporter au Führer de la Grande Allemagne, admiré par l’ensemble du monde arabe, ses remerciements pour la sympathie qu’il avait toujours montrée pour les Arabes et spécialement pour la cause palestinienne, et don il avait donné une claire expression dans ses discours publics. Les pays arabes étaient fermement convaincus que l’Allemagne gagnerait la guerre et que la causer arabe alors en profiterait. Les arabes étaient les amis naturels de l’Allemagne parce qu’ils avaient les mêmes ennemis que l’Allemagne, nommément les Anglais, les Juifs et les communistes. C’est pourquoi ils étaient préparés à coopérer avec l’Allemagne, de tous leurs coeurs, et se tenaient prêt à participer à la guerre non seulement négativement par l’organisation d’actes de sabotages et la préparation de révolutions, mais aussi positivement par la formation d’une légion arabe. Les Arabes pouvaient être utiles à l’Allemagne comme alliés qu’on pourrait le penser au premier regard, à la fois pour des raisons géographiques et pour les souffrances que leur ont infligées les Anglais et les Juifs. De plus, ils ont de bonnes relations avec toutes les nations musulmanes, ce qui pourrait être utilisé au profit de la cause commune. La légion arabe serait facile à lever. Un appel du Mufti aux pays arabes et aux prisonniers de nationalités arabes , algériennes, tunisiennes et marocaines, en Allemagne, produirait un grand nombre de volontaires prêts à combattre. Les Arabes étaient convaincus de la victoire de l’Allemagne, non seulement parce [que]le Reich possédait une importante armée , des soldats courageux et des chefs militaires de génie, mais aussi parce que le Tout-Puissant ne pouvait jamais accorder la victoire à une cause injuste.
« Dans ce combat, les Arabes recherchaient l’indépendance et l’unité de la Palestine de la Syrie et de l’Irak. Ils avaient la plus totale confiance dans le Führer et voyaient dans sa main le baume des blessures qui leur avaient été infligées par les ennemis de l’Allemagne.
« Le Mufti mentionna alors la lettre qu’il avait reçu d’Allemagne, qui déclarait que l’Allemagne ne revendiquait aucun territoire arabe, comprenait et reconnaissait les aspirations à l’indépendance et à la liberté des Arabes comme elle soutenait l’élimination du Foyer national juif.
« Une déclaration publique dans ce sens serait très utile pour ses effets de propagande sur les peuples arabes en ce moment. Cela tirerait les Arabes de leurs léthargies momentanée et leur donnerait un nouveau courage. Cela faciliterait le travail du Mufti d’organiser secrètement les Arabes jusqu’au moment où ils pourraient frapper patiemment avec une discipline stricte le moment juste et frapperaient seulement sur une ordre venu de Berlin.
« En ce qui concerne les événements d’Irak, le Mufti observait que les Arabes dans ce pays n’avaient pas, en aucune façon, été incités par l’Allemagne d’attaquer l’Angleterre, mais qu’ils avaient juste agi en réaction à un assaut direct anglais sur leurs honneurs.
« Les Turcs croyait-il, accueilleraient l’établissement d’un gouvernement arabe dans leur voisinage parce qu’ils préféraient un gouvernement arabe plus faible que celui des puissances européennes et qu’étant eux-mêmes une nation de 7 millions, ils auraient de fait rien à craindre des 1,7 millions d’Arabes habitant la Syrie, la Transjordanie, l’Irak et la Palestine.
« La France cependant n’aurait pas d’objections à l’unification puisqu’elle a concédé l’indépendance à la Syrie dès 1936, et avait donné son approbation à l’unification de l’Irak et de la Syrie sous le roi Fayçal dès 1933.
« Dans ces circonstances, il renouvelait sa demande que le Führer fasse une déclaration publique afin que les Arabes ne perdent pas l’espoir, qui est une force si puissante dans la vie des nations. Avec un tel espoir dans les coeurs, les Arabes, disait-il, auraient la volonté d’attendre. Ils ne poussaient pas à une immédiate réalisation de leurs aspirations ; ils pouvaient facilement attendre une demi-année ou une année entière. Mais s’ils n’étaient pas inspirés d’un tel espoir par une déclaration de ce genre, on pourrait s’attendre à ce que les Anglais soient les gagnants de cette situation.
« Le Führer répliqua que l’attitude fondamentale de l’Allemagne dans cette question, comme le Mufti l’avait déjà déclaré, était claire. La position de l’Allemagne était une guerre sans compromis contre les Juifs. Cela incluait naturellement une opposition active au foyer national juif en Palestine. , qui n’était rien d’autre qu’un centre, sous la forme d’un Etat, servant à l’influence destructrice des intérêts juifs. L’Allemagne savait aussi que l’affirmation que les Juifs accomplissaient une fonction de pionniers économiques en Palestine était un mensonge. Le travail avait été seulement le fait des Arabes et non des Juifs. L’Allemagne était résolue, pas à pas, de demander à une nation européenne après l’autre, de résoudre son problème juif, et au moment approprié il y aurait aussi un appel similaire aux nations non européennes.
« L’Allemagne était à présent engagée dans un combat de vice et de mort avec les deux citadelles du pouvoir juif : la Grande-Bretagne et la Russie soviétique. Théoriquement il y avait une différence entre le capitalisme de l’Angleterre et le communisme de la Russie soviétique ; en fait, cependant, les juifs dans les deux pays partageaient un but commun.
C’était un combat décisif ; sur le plan politique, cela se présentait principalement comme un conflit entre l’Allemagne et l’Angleterre, mais idéologiquement c’était une bataille entre le national-socialisme et les Juifs. Cela allait sans dire que l’Allemagne apporterait une aide positive et pratique aux Arabes engagés dans ce même combat, mais parce que les promesses platoniques étaient sans effet dans une guerre pour la survie ou la destruction, dans laquelle les Juifs étaient capables de mobiliser tout le pouvoir de l’Angleterre pour leurs fins[sic]
« L’aide aux Arabes devrait être une aide matérielle. Combien les sympathies seules étaient d’une faible aide dans un telle bataille avait été démontré clairement par les opérations en Irak, où les circonstances n’avaient pas permis d’apporter une aide réellement effective, pratique. En dépit de ses sympathies, l’aide allemande n’avait pas été suffisante et l’Irak avait succombé face au pouvoir de la Grande-Bretagne qui est le protecteur des Juifs.
« Cependant, le Mufti savait bien que le résultat du combat en cours déciderait aussi du destin du monde arabe. C’est pourquoi le Führer devait penser et parler froidement, délibérément, comme un homme rationnel et avant tout comme un soldat, comme le chef des armées allemandes et alliées. Tout ce qui était de nature à aider dans ce combat titanesque pour la cause commune, qui est celle des Arabes, devrait être fait. Cependant, un élément qui pourrait contribuer à affaiblir la situation militaire devrait être écarté, sans qu’on tienne compte de l’impopularité que cet acte pourrait causer.
« L’Allemagne était maintenant engagée dans de très dures batailles pour forcer l’accès à la région du nord du Caucase. Les difficultés étaient principalement dues au maintien de l’approvisionnement, qui était du plus difficile en raison de la destruction des chemins de fer et des routes, aussi bien que de la prochaine arrivée de l’hiver. Si, dans un tel moment, le Führer devait porter la question de la Syrie dans une déclaration, les éléments en France qui étaient sous l’influence de De Gaulle recevraient une nouvelle force. Ils interpréteraient la déclaration du Führer comme une intention de démembrer l’empire colonial de la France, et appelleraient leurs concitoyens à faire cause commune avec les Anglais pour essayer de sauver ce qui pouvait être encore sauvé. Une déclaration allemande concernant la Syrie serait compris en France comme concernant l’ensemble des colonies françaises et créerait en ce moment de nouveaux troubles en Europe occidentale, ce qui signifierait qu’une partie des forces armées allemandes serait immobilisée à l’Ouest et ne serait plus disponible pour la campagne à l’Est.
« Le Führer fait alors la déclaration suivante au Mufti lui enjoignant de la tenir au secret dans le plus profond de son coeur :

«1)Il (le Führer) poursuivrait la bataille jusqu’à la totale destruction de l’empire judéo-communiste en Europe.
«2)A un moment qu’il n’est pas encore possible de fixer exactement aujourd’hui mais qui, n’importe comment, n’était pas trop loin, les armés allemandes devraient atteindre la porte sud du Caucase.
«3)Aussitôt que cela se produira, le Führer donnerait de son propre mouvement au monde arabe l’assurance que l’heure de sa libération est arrivée. L’objectif de l’Allemagne serait seulement la destruction de l’élément juif résidant dans l’espace arabe sous la protection de la puissance britannique. A cette heure, le Mufti serait le porte-parole le plus autorisé du monde arabe. Ce serait sa tâche de lancer les opérations qu’il avait secrètement préparées. Quand ce moment viendra, l’Allemagne pourrait être indifférente à la réaction française à une telle déclaration.
« Une fois que l’Allemagne aura forcé l’ouverture de la route pour l’Iran et l’Irak par Rostov, ce serait le commencement de la fin l’empire britannique. Lui(le Führer) espérait que l’année prochaine, il devrait être possible pour l’Allemagne d’ouvrir la porte caucasienne du Moyen-Orient. Pour le bien de la cause commune, il serait préférable que la proclamation arabe soit mise de côté pour quelques mois de plus , sinon l’Allemagne se créerait des difficultés sans que cela puisse apporter quoique ce soit d’utile pour les Arabes.
«Il (le Führer) comprenait complètement l’impatience des Arabes d’avoir une déclaration publique du genre demandé par la Mufti, mais il demandait à celui-ci de considérer que lui-même(le Führer) avait été le chef de l’Etat du Reich allemand durant cinq longues années au cours desquelles il avait été incapables de faire, dans sa propre patrie, l’annonce de sa libération. Il avait dû attendre jusqu’au moment où l’annonce puisse être faite sur la base de la situation crées par la force des armes permettant d’accomplir l’Anchluss.
Au moment où les divisions blindées et les escadrons aériens apparaîtront au sud du Caucase, l’appel public, demandé par le Grand Mufti sera fait au monde arabe.
« Le Grand Mufti répliqua qu’à son opinion tout se passera juste comme le Führer l’a indiqué. Il était pleinement réassuré et satisfait des paroles qu’il venait d’entendre de la part du Chef, secrètement au moins, d’arriver à un accord avec l’Allemagne de la nature qu’il avait juste souligné au Führer.
« Le Führer répondit qu’il avait justement donné à l’instant au Grand Mufti précisément cette déclaration confidentielle.
« Le Grand Mufti l’en remercia et déclara en conclusion qu’il prenait congé du Führer avec une pleine confiance et des remerciements réitérés de l’intérêt montré pour la cause arabe
. »



Documents on German Foreign Policy, série D, vol.XIII, p.560, Londres, Her Majesty's Stationery Office, 1964, p.881-885.
cité in Henry Laurens L'orient arabe, Arabisme et islamisme de 1789 à 1945, Paris, Armand Colin/S.E.J.R, 2004, p. 308 et sqq

Prise d'otage et islam : licite ou illicite ?



Prise d'otage : action de retenir prisonnier quelqu'un.

Rapt : enlèvement illégal d'une personne.

Kidnapping : enlèvement d'une personne, en particulier, pour obtenir une rançon.







I°)Construction du mythe :

Il s'élabore lors d'un événement conjoncturel à partir de la répétition de phrases destinées :
- à rassurer les autorités publiques et la population non musulmane et/ou "pseudo-musulmane"[1]. Les vecteurs du mythe utilisent un discours lénifiant en complète adéquation avec les attentes sociales. Il faut répondre aux angoisses que suscite immanquablement ce type d'événement dans la population .
-à limiter les distorsions entre les mythes construits antérieurement(l'islam pacifique, tolérant etc) et la réalité. Un écart important entre les deux conduirait à une diminution de la légitimation des différentes revendications de la "communauté islamique" auprès des pouvoirs publics.

Pour réaliser ces deux objectifs, la rhétorique islamique s'articule autour deux leitmotivs :

.l'un négatif avec la délégitimation des actes par l'intermédiaire des individus :ce ne sont pas des musulmans / ils sont égarés puis par la religion :"ce n'est pas ça l'islam"
.l'autre positif avec un martèlement des items familiers à l'opinion sur ce sujet : l'islam c'est la paix, c'est la tolérance, c'est la miséricorde.



II°) Etude de cas :

1) Déclaration sur la prise d'otage de Chesnot et Malbrunot
Dans l’article de Libération du 29 août 2004, (
http://www.liberation.fr/page.php?Article=234765 ) nous lisons :

[...]. Dalil Boubakeur, président du CFCM et par ailleurs recteur de la Mosquée de Paris, a affirmé que la communauté musulmane toute entière devait "se démarquer" des "agissements condamnables par l'islam" du groupe qui a revendiqué l'enlèvement des deux journalistes.[...]



2)
Déclaration sur la prise d'otage de Florence Aubenas et Hussein Hanoun al-Saadi
Dans l’article de Libération du samedi 23 avril 2005, (
http://www.liberation.fr/page.php?Article=291811 ) nous lisons :

[...] A Paris jeudi dernier à la Grande Mosquée, l'Union des associations islamiques des étudiants iraniens en Europe a réuni cent cinquante personnes en présence de l'ambassadeur d'Iran en France, pour témoigner de sa solidarité : «Au nom des étudiants iraniens en France et du peuple iranien, nous témoignons de toute notre sympathie à Florence Aubenas et Hussein Hanoun et nous souhaitons leur libération. Nous estimons que l'islam est la religion de la clémence, de la tolérance et de la non-violence. L'Islam condamne absolument la prise d'otage et la torture.[...]


Le lecteur peut logiquement en conclure que la prise d'otage est illicite en islam.


III) Démythification par les textes islamiques


Or, si nous nous penchons sur la vie du prophète-l'une des sources de la théologie islamique- nous trouvons des exemples de prise d'otage pour des motifs politico-financiers.
Exemple parmi d'autres(voir aussi par exemple rapt des femmes et enfants de la tribu des Moshjarik )

"Le prophète envoya ensuite Khâlid ibn al-Walid contre Ukaydir, roi de Dûma, qui était chrétien. « Tu le trouveras, dit-il à Khâlid, en train de chasser des antilopes ».Effectivement, Ukaydir, par une nuit chaude de pleine lune, était en compagnie de sa femme sur une des terrasses de son château. Or voici que des antilopes se mirent à gratter avec leurs cornes le portail du château : - A-t-on jamais vu pareille chose ! s’exclama sa femme.- Non, jamais.- On ne peut pas les laisser partir ainsi.- Tu as raison.- Ukaydir descendit, fit sceller son cheval et partit à la chasse aux antilopes, avec quelques membres de sa famille, parmi lesquels se trouvait son frère appelé Hassân. Les cavaliers de Khâlid les y cueillirent. Ils mirent la main sur Ukaydir et tuèrent son frère. Ukaydir portait un manteau de velours brodé d’or. Khâlid le lui enleva et l’envoya au Prophète. Emerveillés, les musulmans se mirent à le tâter avec admiration. « Vous trouvez ce manteau si beau ? s’exclama le prophète. Et bien, je le jure, le turban de Sa’d ibn Mu’âdh(un des martyrs de la bataille d’Uhud) au paradis est bien plus que ça ». Khâlid amena Ukaydir auprès du prophète. Celui-ci lui accorda la vie sauve contre le paiement d’un tribut et le laissa revenir chez lui. "


Sources : (Sira II , 526 –527 )Ibn Ichâm La biographie du prophète Mahomet texte traduit et annoté par Wahib Atallah p.371 (version abrégée)
voir aussi Tabari La chronique Histoire des prophètes et des rois vol.II Mohammed sceau des prophètes actes sud Sindbad p.309-310


Conclusion : La prise d'otage est licite en islam.

[1] Le terme pseudo-musulman(e) n'est pas un jugement de valeur. Il est utilisé pour définir les individus se revendiquant musulman mais dont l'adhésion à l'islam repose sur une méconnaissance totale des textes ou une relativisation des prescriptions islamiques.
Cette situation conduit généralement à la construction d'un islam individualiste marquée par une spiritualité humaniste en totale contradiction avec le corpus islamique.

jeudi 16 mars 2006

Analyse du phénomène : Entretien avec Jean-Pierre Péroncel-Hugoz(a)


Jean-Pierre Perconcel-Hugoz est un vétéran des grands-reporters du Monde où il travailla dès 1969. Il a notamment été correspondant permanent en Algérie, puis en Egypte. Il a publié septs essais ou récits de voyage du Radeau de Mahomet, à Traversées de la France, via Assassinat d'un Poète ou Villes du Sud, sans oublier Une croix sur le Liban. Il dirige chez Eddif, à Casablanca, la collection " Bibliothèque arabo-berbère".
Dans cet entretien accordé à la revue Cités sous le titre " Est-il encore temps de combattre l’islamiquement correct ? " il revient sur le phénomène qu'il avait contribué à dénoncer il y a plus de vingt ans : "l'islamiquement correct ".

Extraits :


[...]

Pourquoi les médias reprennent-ils cette accusation d’islamophobie contre les Français et la brandissent-ils comme réelle, appelant à un devoir de vigilance envers le racisme ?

Les médias, et les classes intellectuelles en général, professeurs, prêtres, politiciens, etc. vivent dans la terreur d’être traités de racistes. Cette hantise les paralyse et leur interdit de formuler la moindre réserve sur l’islam, sur l’islamisme, les musulmans, les Arabes et jusque sur le sujet de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. On accuse d’islamophobie quiconque ose poser un regard critique sur cette religion, alors même qu’on peut librement s’en prendre au pape et aux papistes. C’est à se taper la tête contre les murs ! Une confusion est savamment entretenue entre les différents concepts de racisme, xénophobie, discrimination, islamophobie, pour obliger le Français à aimer quiconque est différent de lui, ce qui est absurde puisque l’amour, l’affection ne se décrètent pas. Et surtout, pour aimer les autres, il faut d’abord s’aimer soi-même. Or, les Français, à force d’entendre tous les matins, à la radio qu’ils sont de sales gens, ont fini par ne plus s’aimer, par mépriser leur passé, leur culture, le rôle immense qu’ils ont joué et, sans le savoir, continuent à jouer dans la marche du monde par leurs idées, leurs inventions, leur diplomatie, leur littérature, etc. Vous verrez qu’un de ces jours on va nous pondre une loi rendant obligatoire la xénophilie, ce qui sera aussi grotesque que de vouloir contraindre les gens à aimer le chocolat ou le chou-fleur. Il serait à craindre alors que, par réaction, naisse un véritable racisme français, nouveau, inédit. (...)



La tolérance des Français semble toutefois s’émousser singulièrement sur la question du voile. De quoi est-ce le signe ?

Depuis un ou deux générations, les Français se sont habitués à identifier la femme libérées avec les images de créatures nues qui occupent leurs murs ou leur presse, sous forme de publicités hyper-érotisées. Du coup, la présence de dames ou demoiselles voilées les désarçonne, et ils s’interrogent : n’a-t-on pas fait le bonheur des femmes en leur permettant de se dénuder ? Je suis islamophobe, paraît-il, mais dans Le Radeau de Mahomet, j’ai tenu à mentionner à quel point le voile pouvait embellir ou ennoblir les femme et créer une attirance pour elles que les Orientales vêtues à l’occidentale perdent souvent, étant donné ce que sont leurs corps, leur démarches, etc. Il en va de même des Japonaises ou des Hindoues. Que dire d’une Hindoue sans son sari ? Pour ce qui est des musulmanes, je parle du voile traditionnel, et non pas du voile, utilisé comme ostentation, provocation, test de notre patience de Français laïques à tolérer l’intolérable, à savoir ces empiétements chaque jour grandissants que sont ces comportements contraires à nos lois et coutumes. Dans les écoles, dans les services publics, pour les photos d’identité, etc., l’Etat français(et, somme toute, ce devrait être aussi le rôle de Bruxelles, qui légifère sur tout, d’édicter des normes proscrivant les symboles religieux et/ou politiques déplacés dans la vie en société, en fonction des normes européennes) doit y mettre bon ordre et l’interdire, non pas par des lois spectaculaires, mais par de simples arrêtés-comme en Syrie d’ailleurs où les filles, musulmanes ou pas, retirent tout couvre-chef à l’intérieur des écoles. Pour une fois, prenons modèle sur une dictature, celle de Damas, et confectionnons une circulaire ne visant aucune religion en particulier mais prohibant tout couvre-chef, quel qu’il soit, voile, foulard, capuche, casquette de Brooklyn, kippa ou bob. Une loi proscrivant spectaculairement le seul voile des mahométanes dans l’enseignement et les autres services publics blesserait inutilement l’islam et créerait des « martyres ». Quant au voile dans toutes les autres circonstances de la vie, du moment qu’on a accepté que les musulmans fassent souche ici, il faut l’accepter avec les mosquées, le Mecca Cola et les boucheries halal.



Le catholicisme dans ses formes les plus anciennes contient un certain nombre de prescriptions aujourd’hui caduques. Ne peut-on imaginer l’équivalent d’un Vatican II pour l’islam ?

On ne le voit pas venir. L’islam est les musulmans, comme tout ce qui est humain, sont certes capables d’évoluer mais pourquoi cela irait-il dans le sens d’une occidentalisation ? Alors là, pour une fois, quelle superbe de notre part ! En parallèle avec le grand autodénigrement que pratiquent les Français, ils font preuve d’un complexe de supériorité déconcertant : la France, une chance pour l’islam ? Je ne crois pas qu’on puisse inventer une religion sur mesure, un islam à l’eau de rose, plaisant à Mimi Pinson. Cette civilisation de près de mille cinq cents ans, de plus de 1 milliard d’homme, sûre et fière d’elle, comment la changerions-nous à nous seuls et selon nos idées ? C’est impensable, irréalisable : Atatürk, les chahs d’Afghanistan et les Phlavi, qui travaillaient pourtant de l’intérieur, s’y sont cassés les dents. Tout ce que nous pouvons faire, en Europe, c’est imposer aux musulmans qui veulent s’installer définitivement chez nous de renoncer non pas à leur foi, leurs croyances, leurs superstitions, leurs pratiques culinaires ou vestimentaires, mais à la part de leurs obligations ou traditions qui, je le souligne, ne pas forcément mauvaises en soi, mais constituent un « scandale » dans nos sociétés ; je nomme en tout premier lieu l’interdiction du mariage d’une musulmane avec un non-musulman ; l’interdiction, si on est mahométan, de changer de confession ou de ne plus en avoir ; la polygamie ; la répudiation, l’héritage double pour les garçons ; la minoration du témoignage juridique des femmes ; le refus de l’adoption juridique ; l’égorgement des bêtes, ou, sans être Brigitte Bardot, j’y tiens, l’égorgement des bêtes, sans étourdissement préalable.
La grande erreur de nos peu courageux politiques, type Chevènement ou Sarkozy, qui pensent surtout à la prochaine échéance électorale, a été de ne pas imposer des engagements clairs sur ces divers points aux associations musulmanes et de reconnaître l’islam sans contrepartie. Du coup, nous allons vers des drames quotidiens, car les musulmans se croient sans doute autorisés, maintenant, à vivre chez nous exactement comme chez eux ; les heurts vont donc se multiplier, je le crains, entre eux et nous. Sauf si un homme d’Etat d’envergure, un nouveau de Gaulle, se lève et impose aux mahométans de nous respecter-ou de retourner dans leur pays d’origine pour ceux qui le refuseraient. Et si ce sont les musulmans qui l’emportent, nos descendants seront des dhimmis, c’est-à-dire des citoyens minuto jure, rasant les murs, comme les Coptes d’Egypte ou les chaldéens d’Irak-ou comme les juifs et chrétiens de la fameuse Andalousie médiévale, « terre idéale de métissage », fabriquée au XX siècle par la propagande islamomane, mais belle civilisation, il est vrai, car les grandes cultures peuvent très bien prospérer sur inégalités et injustices.
A propos d’Andalousie, il y a aussi de quoi être exaspéré par cette élucubration sortie sans doute au XIX siècle du cerveau masochiste des romantiques et reprise à notre époque, élucubration selon laquelle la sagesse grecque nous aurait été transmise par l’Islam !
C’est bien entendu par Byzance, tombée seulement en 1453, que l’essentiel est passé. Certains penseurs arabes médiévaux, dont Ibn Taymiyya, aujourd’hui référence reconnue des islamistes, n’ont d’ailleurs eu de cesse jeter l’anathème sur la pensée grecque. Les médias européens relayent ce genre de mythes, sans prendre la peine de vérifier les affirmations de tel auteur ou tel idéologue, au reste la plupart du temps non musulman. Ces mythes valorisants sont du pain bénit pour les mahométans : cela fait avancer leurs affaires, et ils auraient bien tort de ne pas en profiter : le Coran ne dit-il pas de nous que nous sommes « stupides » ?



Certains prédicateurs islamiques instrumentalisent la notion de droits de l’homme ? S’il faut mettre en évidence leur pratique du double discours, est –il cependant inconcevable qu’un musulman soit accessible à des notions universelles comme les droits de l’homme ?

Le problème, c’est que je ne sais pas si les droits de l’homme conçus par les Occidentaux sont universels. Cette notion n’a eu tout cas aucun sens en islam, qui ne connaît que les droits de Dieu, d’où le fameux cri qu’on entend maintenant en plein Paris : « Le Coran est notre constitution ! ». Pour l’homme musulman, il existe seulement la notion de liberté juridique : on est libre ou esclave-puisque la charia, sans encourager l’esclavage, reconnaît qu’il est licite, et il continue d’ailleurs à être pratiquée au XXI siècle, au Soudan, au Tchad, et même à La Mecque, où, selon le journaliste algérien établi à Paris, Slimane Zeghidour, il y des enuques dans telle mosquée qu’ils gardent ; et qui dit eunuchat dit en principe esclavage. La chance pour l’islam, si j’ose dire, c’est que le tempérament national français est marqué de toute éternité par une immense naïveté. Les Français ont vu jusqu’ici l’islam comme une religion semblable aux autres, et qui peu à peu s’édulcorerait comme la leur et entrerait dans le moule hexagonal. Il se trouve que ce n’est pas le cas, et que l’islam se caractérise par son autonomie et sa vigueur. ; sentant cette naïveté, il l’utilise pour s’imposer sans s’adapter à la France. Il aurait tort de laisser passer un telle aubaine. Regardez à quel point la situation est, en Europe occidentale, favorable à l’islam qui, sans l’adopter, exploite la démocratie, en utilise à fond tous les droits qui lui sont octroyés, la liberté de conscience, certes, mais aussi les facilités financières : des myriades d’associations musulmanes, la plupart financées par les deniers publics, travaillent sous notre nez contre la francisation des Kabyles, Arabes, Kurdes et autres Comoriens.



Faut-il imputer ce rejet de la France à un traumatisme lié au passé colonial ?

Le traumatisme est dans la tête des Français qu’on a persuadés que la colonisation, notamment des peuples musulmans, fut l’abomination de la désolation. Prenez pourtant un pays comme l’Algérie, qui n’avait pas trois millions d’habitants en 1830, et pour la plupart minés par la malaria, la tuberculose, la pelade ou la syphilis : il s’et retrouvé un gros siècle après avec 9 millions d’habitants, et en bonne santé s’il vous plaît, parce que le premier souci des Français fut non pas de massacrer les indigènes, d’enlever les Sabines ou d’instaurer l’apartheid, mais de créer des dispensaires, d’administrer des vaccins, de fonder des « gouttes de laité, bref de soigner la population. D’où d’ailleurs, l’adage nord-africain : « La France blesse mais elle soigne. » Où est la honte ? On nous oppose le modèle anglo-saxon ; mais aux Etats-Unis, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, les colons ont tout bonnement éliminé ou quasiment les autochtones. Les Français se culpabilisent pour leur colonisation, mais les Arabes, eux, ne regrettent pas, au contraire, et ils ont raison, d’avoir conquis et colonisé le Maghreb, l’Andalousie ou les Balkans ; ils ont pour eux, il est vrai, ce que l’écrivain Nicolas Saudray a appelé « l’immense bonne conscience de l’Islam ». On le voit bien d’ailleurs aujourd’hui avec ce qui se passe en France sous nos yeux : aucun musulman ne se pose la question de sa légitimité d’être ici, même s’il y est arrivé avec un visa de tourisme ou un contrat de travail temporaire et y est resté ensuite en ne souciant que de son propre intérêt et jamais de notre avis.



Vous refusez de distinguer entre islam et islamisme ?

Bien sûr, puisque les musulmans entre eux, sauf exception encore une fois, ne font pas cette distinction. Je ne suis pas plus royaliste que le roi. L’islamisme dont j’ai observé vers 1970-1980 les prémices et les premiers développements en Egypte, en Arabie Séoudite, au Soudan, en Perse, au Pakistan, au Sénégal, etc., est la forme conquérante, dynamique de l’islam contemporain. J’ai noté partout chez les musulmans la conviction qu’Allah les a dotés à dessein de la foi, de la force démographique et du pétrole. La volonté d’expansion est en quelque sorte naturelle à l’Islam, qui a toujours voulu prendre Alexandrie, Byzance, Athènes, Rome, Vienne devant les murs de laquelle il a campé à deux reprises et pour la dernière fois en 1683. Le Coran répète aux fidèles de Mahomet qu’ils forment « la meilleure des communautés ». Ainsi croient-ils avoir droit un jour à la maîtrise du monde, pour le bonheur et le salut de celui-ci. Le musulman n’existe pas comme personne, mais seulement comme membre de sa communauté ; hors d’elle il est perdu, comme le poisson éloigné de son banc.



La notion de personne, qui caractérise l’Occident chrétien, n’est-elle pas à même de transformer les musulmans qui vivent en minorité ici ?

-Le musulman type ne peut-être à l’aise que dans une société où l’islam est majoritaire, où en tout cas les règles de la vie musulmane sont respectées, où le temps est rythmé par les prières ou le jeûne, où la viande est halal et les femmes voilées. C’est toute la différence avec les catholiques, les juifs, les bouddhistes ou les shintoïstes qui, nolens volens, s’accomodent de vivre dans d’autres sociétés que la leur. En revanche, il est vrai que, partout où ils la rencontrent, les musulmans s’adaptent à la modernité technique américaine ou européenne, tout en conservant leur mentalité islamique intacte. C’est une de leur forces. On le voit ici dans nos banlieues où les mahométans sont habités par une intime conviction de leur supériorité sur les Gaulois et autres gaouri et mange-cochon. C’est peut-être une des raisons de la fascination d’une partie de l’Occident pour un islam qui, lui, ne propose ni repentance, ni remord, ni doute.
Le notion chrétienne de personne, de sublime en soi, mais qui s’est pervertie ici en individualisme forcené, avec dislocation des liens familiaux et des solidarités sociales, est peu à même de séduire le musulman, dont le système a au moins le mérite de maintenir une très forte solidarité communautaire, par le canal de la religion. C’est ce qui explique d’ailleurs que quelle que soit la violence de leurs dissensions intestines, il suffit qu’on les agresse de l’extérieur pour que les « vrais croyants », comme ils se définissent entre eux, forment aussitôt le « carré », allant s’il le faut jusqu’à couvrir le crime d’un frère en religion. Jamais un musulman ne critique l’islam, car il devient alors un traître : ainsi le notable égyptien Farag Fodda, qui avait osé mentionner publiquement le traitement souvent discriminatoire réservé aux chrétiens autochtones, a-t-il été immédiatement assassiné. Il y a omerta intermusulmanes sur les travers de l’islam. On est d’ailleurs incomplet quand on parle de la dhimmitude réservée aux gens du Livre, chrétiens, israélites ou zoroastriens, qui sont traités en citoyen de seconde zone ; car pour tous ceux qui adhèrent à d’autres religions, ou qui n’en veulent pas, aux athées, l’alternative est en principe entre la conversion et la mort.
Prenez le cas de l’Inde du XXI siècle et des violences antimusulmanes des hindouistes qu’on a même accusés de pratiquer « un fascisme safran ». Lisez L’Inde de l’Islam de Louis Frédéric et vous comprendrez les drames actuels à la lumière de l’incroyable cruauté, sur fond encore une fois de grandiose culture, de la conquête islamique d’un pays, « païen » selon les normes laissées par Mahomet. Nous avons la chance, en France, de figurer parmi les gens du Livre que le dogme coranique oblige à « tolérer ».


Toute modernité politique, c’est-à-dire séparation de la religion et de l’Etat, séparation entre le public et le privé, neutralité de l’adresse de la loi, est-elle impossible pour l’islam ?

En islam tout est lié dans la même gerbe. S’il la délie, et on n’en voit d’ailleurs pas les prémices, ne risque-t-il pas de perdre son âme ? Pour ma part, souffrant de la déchristianisation, puis-je souhaiter une désislamisation aux musulmans ? Encore que cela pourrait sans doute régler chez nous un certain nombre de problèmes présents et à venir.



Il semble que pour vous les valeurs laïques ne soient pas de taille à résister. Croyez-vous aux guerres de religions comme unique horizons politique ?

N’y est-on pas déjà, dans ce schéma guerrier ? De Sarcelles aux Philippines, via le Caucase, il y a une ligne de feu où l’islam, partout, cherche à s’imposer. On peut voir aussi cela comme une compétition entre les religions, les nations, les systèmes, avec des formes militaires ouvertes ici et là, quand il ne s’agit pas d’un « djihad de proximité » à Pau ou à Roubaix. Il n’y a pas besoin d’émirs ou de califes clandestins pour organiser cette « conquête » qui se fait spontanément, sans chef d’orchestre. C’est une pulsion humaine, qui appartient sans doute au mystère du monde, comme jadis les Portugais soumettant l’océan Indien, Colomb franchissant l’Atlantique, Caillé ou Brazza pénétrant au coeur de l’Afrique. Tout les civilisations ont des cycles de colonisation et décolonisation, d’avancée et de recul. A moins d’un colossal revirement politique, avant un siècle l’Europe occidentale devrait être à dominante musulmane, avec des minorités qui souffriront. (..)
Tout cela, à moins d’un miracle, d’un sursaut des peuples ou d’un sauveur providentiel, paraît bien révolu. Les civilisations sont mortelles, mais elles ne veulent jamais croire à leur propre mort.



Votre livre, Le radeau de Mahomet, garde donc toute son actualité. Pouvez-vous revenir sur les réactions violentes qu’il suscita lors de sa parution en 1983 et alors qu’aucun livre n’avait encore levé le lièvre islamiste ?

J’eus d’abord le chagrin de recevoir des lettres horribles d’amis musulmans, y compris de personnes vivant tout à fait à l’occidentale, qui se sont fâchés avec moi : j’avais omis de prendre en compte ce qui est à mes yeux la plus terrible sourate du Coran où Allah s’adressant aux musulmans par la voix de l’archange Gabriel et la mémoire de Mahomet ordonne : « Ne prenez pas pour amis des juifs ou des chrétiens ! » J’ai appris là que l ‘ « être croyant inférieur » que je suis aux yeux des musulmans n’a pas le droit de poser un regard critique sur l’islam, fût-il assorti, ce qui est mon cas, d’une bonne part d’admiration (voir le chapitre « Les plumes de dessous » de mon Radeau )
J’eus en revanche le soutien d’une partie de la rédaction du Monde, notamment André Laurens, Michel Tatu et surtout André Fontaine, lequel intervint en première page pour me soutenir ; mais une autre partie de l’équipe dirigeante m’attaqua comme islamophobe(déjà !) et obtint finalement que je sois écarté de la couverture du Proche-Orient. Sans que j’aie vraiment résisté. Car au fond je ne voulais surtout pas devenir « islamologue » et ne traiter toujours que du même sujet. Je voulais rester pleinement journaliste et voir le reste de la planète, ce que j’ai fait. Après Le Radeau de Mahomet, j’écrivis tout de même encore deux ou trois livres pour défendre ce que je croyais être des causes progressistes, face à l’islamisme, par exemple le sort des chrétiens d’Orient ou encore l’assassinat du poète pied-noir islamophile et algérophile Jean Sénac ? éliminé par des islamistes proches du régime algérien.
Il y eut aussi contre moi l’offensive des « Turcs de Profession », complaisants par intérêt ou convertis par fascination pour le soufisme, mystique musulmane persécutée pourtant encore de nos jours sur ses terres d’origine : ils envoyèrent des lettres assassines au Monde, comme par exemple l’éditeur Chodkiewicz, qui m’accusa de pousser les musulmans vers l’alcoolisme parce que j’avais rapporté que Mahomet buvait du jus de palme fermenté.
Ou bien le Père blanc Lelong, islamomane catholique et qui passe son temps à écrire aux journaux.
A la longue, qu’on le veuille ou non, ces pratiques minables nuisent, sapant la nécessaire confiance entre un journaliste et son journal. Pis que tout, les faits-hélas !- me donnèrent raison, et ceux qui m’avaient contré transformèrent leur confusion envers eux-mêmes en aversion à mon endroit, réaction très courante.
Vingt après, je regarde ces comportements avec une certaine ironie : mes confrères, et d’une manière générale les intellos parisiens, se sont trompés sur l’islamisme, comme eux ou leurs pareils s’étaient déjà trompés sur Staline, Mao, Castro, Soekarno, Nkurmah, Ben Bella, Pol Pot, etc. S’il y a bien une repentance intellectuelle à prononcer, elle est bien là ! Mentionnons quand même que l’actuel patron du Monde, Jean-Marie Colombani, le 12 septembre, m’a fait demander de me remettre immédiatement sur les affaires islamiques et de partir illico pour la péninsule Arabique. J’ai bouclé ma valise et puis, dans un sursaut de fierté et d’aquoibonisme, je lui ai écrit un mot narquois sur le ton : « C’est quand il en était encore temps qu’il fallait me laisser combattre dans nos colonnes l’islamiquement correct ! »
Le moment le plus curieux de l’épisode Radeau, ce fut lorsque Le Monde reçut une condamnation à mort contre moi, prononcée par « un tribunal islamique » : le ministère de l’Intérieur prit l’affaire au sérieux, et pendant des mois je vécus sous la garde de policiers. Je dus signer certaines articles sous pseudonyme, et jusqu’à aujourd’hui mon nom ne doit figurer ni sur ma porte ni sur ma boite aux lettres.

Jean-Pierre Péroncel-Hugoz
Propos recueillis par Sylvie Taussig
"L’islam en France", Revue hors série Cités, Paris, Puf p. 301-311

mercredi 15 mars 2006

Démythification : Mahomet, prophète illettré ?



Objectif du mythe :
Pourquoi faire passer Mahomet pour un illettré ?
L'illettrisme de Mahomet procède d'une tendance apologétique. Le raisonnement islamique consiste à affirmer que l'origine divine du Coran est validée par le fait que ce livre fut révélé par un illettré, qui de ce fait n'avait pu tirer son enseignement d'une consultation directe des textes des différents courants religieux de l'Arabie préislamique(principalement des différentes sectes juives et chrétiennes). De même ce principe permet de renforcer au maximum le contraste entre l'humilité de Mahomet sur le potentiel de son capital culturel et sa grandeur comme Messager. De plus, ce mythe sert à renforcer un autre mythe islamique : la langue arabe a été créée grâce au coran.





Déconstruction du mythe
Pour faire croire à l'illettrisme du prophète, les islamistes essayent de s'appuyer sur le coran en proposant une traduction fausse de certains mots.

1)Réfutation de l'argumentation islamique : Le terme ummi(pluriel ummiyyûn) ne signifie pas illettré

L'assertion sur laquelle se fonde l'illettrisme de mahomet s'appuie sur l'épithète ummi(seulement employé dans les versets médinois) que l'on retrouve notamment dans la sourate 8 verset 156-157 qui donne à ummi le sens d'ignorant qui ne sait ni lire ni écrire(interprétation que l'on retrouve dans le Tafsir de Tabari pour la sourate 2 verset 93-96 et que l'on retrouve chez des orientalistes comme Kasimirski, Montet etc)

Dans la sourate 62 verset 2 on lit « C'est lui qui a envoyé par les ummi un Apôtre issu d'eux qui leur dit Ses signes et leur enseigne le Livre et la Sagesse quoiqu'ils fussent auparavant dans un égarement évident. »

Dans ce passage comme dans d'autres, le terme ummi désigne les Arabes paiens, qui à l'inverse des juifs et des Chrétiens, n'avaient reçu aucune révélation et vivaient par conséquent, dans l'ignorance de la loi divine. Dans le Tasfir d'at-Tabari, nous retrouvons un certain nombre de Traditions remontant à Ibn 'Abbas qui mettent ce sens en avant;
Ainsi dans Tabari 296 ligne 15 sqq nous avons " Les Ummiyyûn sont des gens qui ne déclarent véridique aucun Apôtre envoyé par Allah, ni aucune Ecriture révélée par Lui, mais qui forgent un « écriture » de leurs mains". Par la suite Tabari dit que cette acceptation n'est pas celle de l'arabe et retourne à sa première interprétation.

Nabi ummi ne signifie donc pas « prophète ignorant » « illettré » mais « Prophète des Gentils » et l'épithète dérivée du mot arabe umma, réfère très certainement à l'hébreu ummôt hâ-olâm(les nations du monde, les Gentils) que les Juifs de Médine devaient bien connaître









2°)L'arabie connaissait l'écriture
Les islamistes comme d'autres individus sont persuadés que l'Arabie était peuplée de Bédouin inculte. Or, les sources historiques démontrent le contraire. L'on sait que dans
un centre commercial comme la Mekke, nombreux étaient ceux qui savaient tenir un calame(tige de roseau etc). Dans les villes, l'homme qui savait manier un roseau et déchiffrer un écrit jouissait d'une certaine considération. Ainsi, selon Balâdhuri nous savons qu'Omar, Othman, Ali, Abu-Suyan et son fils Mu'awiya-puis les noms des deux tribus arabes de Yathrib connaissaient l'écriture arabe-parmi lesquels nous trouvons des futurs secrétaires de Muhammad, Zayd fils de Thâbit et Ubayyi fils de Ka'b.





3°)Mahomet alphabétisé :
Nous savons que Mahomet est embauché comme intendant pour gérer les affaires de khadidja. A ce titre, il s'occupe d'acheter et de vendre des marchandises au niveau international(commerce notamment avec le pays du Sham). Or, cette fonction implique la connaissance de l'écriture et du calcul. Dans l'économie antique, ces compétences spécifiques peuvent même permettre à un individu d'échapper à un statut infamant(cf le parcours de l'esclave-intendant puis marchand international affranchi Trimalcion dans Le Satiricon de Pétrone)

D'autre part, ces lieux d'échanges fréquentés par Mahomet ont été influencés par les commerçants grecs, puis romains et byzantins mais aussi perses. Dans ce cadre géographique, les marchands n'utilisent que le contrat écrit pour passer leurs transactions commerciales. L'on sait aussi qu'une critique récurrente des contemporains de Mahomet se focalise sur les marchands qui se sont transformés en financier d'expéditions.
Mais les faits en faveur d'une alphabétisation de Mahomet nous viennent des sources islamiques elles-mêmes.


Dans la tradition, il existe une preuve qui démontre le savoir faire de Mahomet dans le domaine de l'écriture. Cela se passe à al Hodaïbiyya, mahomet et le délégué mekkois Sohaïl décident de rédiger un pacte, Mahomet fait venir un scribe et commence à dicter une formule liminaire. Mais Sohaïl arrête net mahomet et lui dit : « Ecris ! Comme tu écrivais [jadis]: « En ton nom ! O Seigneur ! »
Il est évident qu'içi Sohaïl fait allusion à quelque écrit de la main de Mahomet avant son départ de la Mekke et peut-être antérieur à sa prédication.

De même, une série des Traditions nous montrent Mahomet, à l'article de la mort, réclamant une omoplate de chameau(ou un parchemin selon d'autres) avec une écritoire, afin de rédiger son testament politique. Nul ne s'étonne de l'exigence et si l'on n'y satisfait pas, c'est simplement parce que la faction d'Abou Bakr et de Aïcha s'y oppose pour faire pièce à la faction d'Ali.(cf Ibn Sa'ad, II, 36-8 )



De plus, deux passages du Coran mettent en cause les compétences littéraires de Mahomet.
Dans le premier il est accusé d'avoir écrit lui même des récits rédigés par les Anciens et qui lui étaient dictés matin et soir »
En réponse, il nie pas le fait de l'écriture, mais se borne à rétorquer que « celui qui connaît les secrets des cieux et de la terre a fait descendre » Coran 25, 5-6 Récits rédigés asâtîr avec la racine STR ; écrire soi-même, iktataba, à la forme réfléchie de KTB, que l'on devrait traduire par « se les écrire/les écrire pour soi-même; dicter, amla.

Dans le second passage, il est soupçonné d'utiliser ou contrer les Ecritures saintes antérieures; en réponse, il dit qu'il ne « récitait aucune Ecriture ni n'en écrivait de sa propre main avant celle-ci » c'est-à-dire la sienne propre. Coran 29,48 « Ecrire/tracer » avec la racine Khtt qui désigne la graphie puis désignera la calligraphie ; « de sa propre main », bi-yamînihi, littéralement « de sa main droite ». La seule équivoque qui subsiste dans le contexte de la second citation joue précisément sur le passage d'une écriture(Kitâb) celle des juifs ou des chrétiens, à l'autre(Kitâb), la sienne propre.
Dans l'un et l'autre cas, le vocabulaire est plus qu'explicite sur l'opération d'écrire. On voit de plus, dans le second passage, que le fait d'écrire intervient en parallèle complémentaire avec celui de réciter liturgiquement. Ainsi, le verbe « réciter(à haute voix) » est içi TLW que l'on retrouve sous la même forme en syriaque syro-palestinien pour dire « hausser/ élever(la voix, les yeux, la tête etc) »


On voit que Mahomet sait écrire dans ce que la tradition musulmane appelle la constitution de Médine.

Ibn ishâq (341- 344 numérotation Wensinck)dit : "Le Messager de Dieu rédigea un écrit ayant trait au Emigrants et aux Ançar, écrit par lequel il établissait un traité et une alliance avec les Juifs, les confirmait dans leur religion et leurs possessions , leur donnant certains droits et les obligeant à certains devoirs. « Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Compatissant ! Ceci est un écrit de Mahomet le Prophète, concernant les croyants, les Musulmans Koréishites, ceux de Yathrib, ceux qui les suivent, qui leur sont attachés et qui guerroient avec eux etc »


Mahomet n'était donc pas illettré.
Cela ne l'empêchera pas de faire appel à des secrétaires pour élaborer la rédaction du coran tout comme Napoléon en avait pour rédiger ses ordres.