On doit souligner que cette conjonction des citadins et des nomades, sous l'égide des premiers, laisse au dernier plan, dans l'idéal social de la religion naissante, les activités agricoles. Le travail de la terre dans les oasis du Hedjaz était essentiellement servile par opposition à l'occupation noble par excellence qui était le commerce. Là encore l'Islam a assumé la situation qui se présentait à lui, et on a pu attirer l'attention sur la façon dont la réglementation sociale coranique a apporté des solutions à certains problèmes soulevés par la structure sociale, en pleine différenciation, des oasis. Mais tout l'enseignement du prophète reste bien imprégnés de mépris pour les travaux des champs. Dans le Coran, la croissance des récoletes n'apparait jamais comme le fruit du travail humain mais comme la simple expression de la volonté divine(par exemple XXVI, 33 à 36 ou encore LVI, 64-65-Dieu est le véritable semeur) et l'aspect anti-paysan se manifeste encore plus librement dans les hadiths. Le prophète voyant un soc de charrue, aurait dit:" Cela n'entre jamais dans la maison des fidèles sans qu'y entre en même temps l'avilissement". Des efforts ont été ultérieurement tentés pour concilier l'Islam avec la vie agricole, tel celui d'El Boukhâri, et des citations ont pu être fournis en ce sens." Chaque fois qu'un musulman plante ou arbre ou sème une graine, il aura droit à une récompense pour tout ce qu'un oiseau, un homme ou un quadrupède mangera de ce qui viendra à pousser" dit un hadith. Selon un autre, " un homme l'autorisation de cultiver et récolte des moissons plus grosses que des montagnes". D'autres hadiths montrent des compagnons du prophète occupés à des travaux agricoles. Il n'en reste pas moins que ce ne sont là que des correctifs et palliatifs. En dehors de la cité seul le nomade, malgré toutes ses imperfections, apparaît vraiment digne d'intérêt. Lui seul a droit au nom prestigieux d''arabe" a'râb, qui, utilisé aux temps pré-islamiques pour désigner les habitants des régions bédouinisées de l'Arabie au nord du Roub-al-Khâli, en y comprenant encore les sédentaires des oasis, pour les opposer aux habitants des pays sédentaires de l'Arabie du Sud, n'est déjà plus employé par Mahomet que pour désigner les Bédouins."Partout sur les lisières du désert de Syrie, lorsqu'on rencontre un homme, la première question posée, brève, est celle-ci"es-tu arabe ou fellah ? Arabe cela signifie ici"nomade, bédouin"; rien mieux que ce raccourci populaire ne révèle ce fait que le cultivateur, le paysan, sont comme relégués en dehors du monde arabe".
Xavier de Planhol, Les fondements géographiques de l'histoire de l'islam Flammarion pp.33-35
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire