[..]La pratique des empires perses et romains, auxquels appartenaient la plupart des provinces et du personnel administratif du nouvel empire islamique, constribua ainsi à modeler le processus et les principes de gouvernement de l'Islam même. La traduction en arabe, à partir du VIII siècle, de manuels persans sur l'art de gouverner et sur l'étiquette de cour et de traités grecs de philosophie politique a doté le discours islamique en ces matières d'une sophistication nouvelle. La langue politique arabe, si riche et si flexible, s'est encore enrichie de mots d'emprunts et, plus encore, de terme traduits du persan, du grec et même du latin. Certains d'entre eux remontent même aux premiers temps. Même dans le Coran, La Mecque est qualifiée de Umm al-Qura, traduction littérale du grec metropolis. La route droite al-Sirat al-Mustaqim, que les musulmans sont tenus de suivre, est la route romaine droite, et sîrat n'est autre le latin strata, d'où dérive aussi l'anglais street[rue] .
Une familiarité plus étroite avec la pratique romaine et byzantine dans les provinces conquises a apporté beaucoup d'autres termes de ce genre. Certains se reconnaissent aisément, tels que shurta, la cohorte chargée de la police. D'autres revêtent un masque arabo-islamique, tels que le muhtasib, sorte d'inspecteur des moeurs et des marchés, qui a hérité des fonctions de l'agoranomos byzantin. Le mot arabe diwan, qui désigne les bureaux administratifs où travaillent les serviteurs de l'Etat, dérive évidemment d'un antécédent persan. Le chef des diwan, le wazir, portait un titre étymologiquement arabe, mais qui doit en grande partie son développement au précédent impérial iranien.
Au XI siècle, l'arabe avait absorbé ces emprunts culturels aux anciens empires et les avait fondus dans une culture politique nouvelle, vigoureuse typiquement islamique.
Bernard Lewis, Islam,Le langage politique de l'islam Gallimard 2005 pp.681-685
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