Signe des temps ? Le mythe de la tolérance dans al-Andalus est remplacé peu à peu par de véritables analyses historiques. Après l'Histoire, l'autre magazine de vulgarisation du savoir historique [Historama] nous brosse un tableau des relations interconfessionnelles dans l'Espagne musulmane plus conforme à la "réalité"historique. Cependant, quelques éléments du mythe mériteraient d'être sérieusement nuancés(cf. "La communauté juive jouit d'une situation favorable,[...])
Mythique Andalousie
"Les relations entre musulmans et les autres gens du Livre (juifs et chrétiens) d'Al-Andalus relèvent davantage d'une cohabitation plus ou moins pacifique que d'un multiconfessionalisme assumé.
Chercher à situer dans l'histoire d'Al-Andalus - l'Andalousie -, partie de la péninsule Ibérique sous domination musulmane, un moment particulier de convivencia, d'esprit ouvert à un « multiconfessionnalisme », relève du mythe. Plus exactement, il révèle ce que l'historien Geary dans La Mémoire et l'oubli à la fin du premier millénaire (Aubier, 1996) appelle une manipulation des « fantômes de la mémoire » créés par des générations d'« historiens » au service d'une cause qui touche leur propre époque. A ce titre, deux postures sont possibles : l'un d'elles peut être résumée par ces propos du grand arabisant Jacques Berque (Andalousies dans Les Arabes, Actes Sud, 1981) : « J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'inlassable espérance », conduisant à se dire : « Peu importait donc la réalité historique de l'Andalousie, pourvu qu'elle fournît la matière d'un projet d'avenir. »
Chercher à situer dans l'histoire d'Al-Andalus - l'Andalousie -, partie de la péninsule Ibérique sous domination musulmane, un moment particulier de convivencia, d'esprit ouvert à un « multiconfessionnalisme », relève du mythe. Plus exactement, il révèle ce que l'historien Geary dans La Mémoire et l'oubli à la fin du premier millénaire (Aubier, 1996) appelle une manipulation des « fantômes de la mémoire » créés par des générations d'« historiens » au service d'une cause qui touche leur propre époque. A ce titre, deux postures sont possibles : l'un d'elles peut être résumée par ces propos du grand arabisant Jacques Berque (Andalousies dans Les Arabes, Actes Sud, 1981) : « J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'inlassable espérance », conduisant à se dire : « Peu importait donc la réalité historique de l'Andalousie, pourvu qu'elle fournît la matière d'un projet d'avenir. »
L'autre posture est celle de l'historien « classique » qui tente de remettre en place les événements et les concepts dans leur chronologie, en répétant que la signification que l'on donne aujourd'hui au mot « tolérance » n'aurait aucun sens pour un clerc catalan ou asturien du Xe siècle ou castillan au XIIe siècle, ou bien pour un juriste de Cordoue à la même époque. Cette position est plus ardue, car elle demande des explications qui rendent moins réceptives des restitutions qui ne correspondent pas à ce que nos contemporains veulent entendre, comme le thème du paradis perdu, sorte de référence absolue qui rassure l'esprit en un temps d'un affrontement particulièrement fort, « sacro-sainte Andalousie, écrivait Jean Daniel, où, pendant une soixantaine d'années [avait] régné ce phénomène merveilleux et bouleversant qu'on a appelé l'esprit de Cordoue » (Le Nouvel Observateur, octobre 1994). Toutefois, ce procédé est plus utile à ceux qui veulent trouver des repères sérieux dans un passé qui apparaît comme le moment le plus intense de la confrontation entre islam et chrétienté, car il correspond à une réalité humaine possible. Si l'on adopte cette position, à la question : Al-Andalus, creuset multiconfessionnel ? la réponse est négative.
Les lettrés du Moyen Age sont gens de croyance et de droit. Ils nous ont laissé des écrits étayés par ces principes. Au contraire, la réalité du terrain est beaucoup plus difficile à saisir, par l'absence d'archives que ne compense pas l'abondance de la production littéraire. Sur le plan des principes, la réponse semble simple : le multiconfessionnalisme - islam, judaïsme, christianisme - n'existe que par défaut. Si l'on préfère, il est toléré faute de mieux et pour un temps limité, celui qui correspond à ce qui reste comme temps de vie terrestre avant l'échéance apocalyptique. La légitimité des conquérants arabes et musulmans repose sur le respect et la propagation de la charia, dont les souverains sont les garants. Seul l'islam est vérité, les autres religions, erreurs : le judaïsme et le christianisme sont des prophéties d'un même Dieu que celui de l'islam, dévoyées par leurs adeptes. Les paroles coraniques permettent à Mahomet de créer un cadre de cohabitation entre les musulmans et les « protégés » (dhimmî), qui donnent aux juifs, chrétiens et, un peu plus tard, zoroastriens, la possibilité de vivre avec les musulmans, mais selon des conditions qui les placent en situation d'infériorité dans une société soumise à la loi de l'islam par la conquête.
Donc, en principe, il n'est pas question d'une tolérance plaçant les confessions au même plan, mais d'un « arrangement » permettant de ménager les non-musulmans, très largement majoritaires dans les premiers temps de l'islam, à condition qu'ils reconnaissent la prééminence de la loi coranique. Il n'en va pas autrement en Al-Andalus : les juristes malikites, sous la conduite des émirs omeyyades de Cordoue, imposent ce cadre aux juifs et aux chrétiens.
Au-delà de la norme, saisir une réalité de cette cohabitation est beaucoup plus difficile. Dans l'ensemble, en Al-Andalus comme dans le reste du monde musulman, le gouvernement intervient le moins possible dans la vie des communautés. Seul le refus d'obéissance au pouvoir peut révéler leur existence ; les exemples s'avèrent finalement très rares. Au-delà, la situation des minorités évolue différemment. La communauté juive jouit d'une situation favorable, surtout par rapport à l'époque wisigothique ; le judaïsme vit un renouveau sous la bannière de l'islam, en particulier sur le plan des études religieuses et de la littérature sous toutes ses formes. En revanche, les mozarabes (chrétiens d'Espagne de langue arabe) subissent un déclin numérique progressif, plus marqué que dans les régions orientales ; mais l'absence de données chiffrées ouvre sur des postulats hypothétiques.
Ni l'attitude des autorités, ni la pression fiscale, plus forte sur les dhimmî, ni les événements frontaliers n'expliquent véritablement une situation qui touche l'ensemble des communautés chrétiennes en Islam. Pour Al-Andalus, une thèse récente de Cyrille Aillet sur les mozarabes permet de constater que le déclin qualitatif est postérieur au Xe siècle alors qu'on le faisait commencer un siècle plus tôt. En effet, l'arabisation des lettrés chrétiens les a assimilés à la culture musulmane et la perte du latin n'est pas forcément le résultat d'un déclin culturel ; l'adoption de l'arabe est plutôt un signe de dynamisme, d'adaptation comme en Orient à l'évolution culturelle, permettant une diffusion plus ample de leurs écrits, liturgiques en particulier. C'est au XIe siècle, que les premiers signes de déclin, marqué par une production littéraire plus faible, sont nettement visibles.
Qu'est-ce qui explique ce déclin ? Il tient probablement à une pression sociale de plus en plus forte de la population au fur et à mesure qu'augmente la proportion des musulmans ; la proximité de la frontière joue également : dès la fin du IXe siècle, une émigration des élites, cléricales surtout, renforce le mozarabisme dans le nord, mais affaiblit l'encadrement d'Al-Andalus. La guerre sur les frontières, surtout lorsque le rapport des forces s'inverse en faveur des Etats chrétiens, accentue le scepticisme. A ce moment, on note des déclarations qui marquent une crispation des milieux des hommes de loi. A partir du deuxième quart du XIIe siècle, avec la pression des chrétiens du nord, la situation des mozarabes se dégrade nettement : une expédition du roi Alphonse Ier d'Aragon en 1124, impliquant des communautés mozarabes, provoque une réaction légaliste des juges qui condamnent plusieurs d'entre elles à l'exil au Maroc. La proclamation de la fin de la protection des dhimmî, en 1160 dans l'ensemble de l'Empire almohade (Al-Andalus-Maghreb), accusés d'avoir soutenu les ennemis chrétiens, finit de faire disparaître un mozarabisme déjà moribond, et le geste relève plutôt du symbole.
Ce seraient donc les circonstances qui auraient influencé l'évolution des communautés religieuses minoritaires en Islam et plus particulièrement en Al-Andalus. Leurs élites, lettrés, savants, font partie de l'entourage princier et défendent leurs intérêts. Les chrétiens, devenus minoritaires et moins présents au sommet de la société, sont ballottés au gré des relations entre Etats, d'autant plus à proximité des frontières. La diminution de leur nombre et l'éloignement des chrétiens de la cour, surtout à partir du XIIe siècle, sont probablement des raisons fortes de leur marginalisation.
Si la conversion forcée n'existe pas, ils sont « minoritaires » dès la conquête arabe, selon la loi établie à partir des débuts de l'Islam, même lorsqu'ils sont plus nombreux, car les Etats médiévaux se légitiment au nom d'une religion universaliste et eschatologique, où seuls ceux qui sont dans la voie droite peuvent accéder au salut. Il n'y a donc pas multiconfessionnalisme, mais cohabitation temporaire. Après, l'attitude des autorités et des populations varie selon les circonstances : la période d'expansion en Méditerranée conduit les autorités islamiques, qui ont besoin des protégés, à une attitude de recul par rapport à des règles de différenciation qui apparaissent surtout au XIe siècle et au-delà : port vestimentaire distinctif, défense de toute marque ostentatoire, etc. Cette évolution est également le fruit d'une autre mutation : l'Islam s'inspire des modèles politiques et culturels antiques durant les premiers siècles. Avec la domination numérique et intellectuelle de l'islam, les références externes disparaissent peu à peu de la mémoire collective car ils n'ont plus de sens et l'islam, remarquablement servi par des générations de penseurs, se suffit à lui-même. Cette unité de référence est renforcée par une faible attirance pour les courants extérieurs, suspects d'innovation, donc d'hérésie. En revanche, si la « tolérance » n'est pas un concept médiéval, il est vrai que le statut de « protégés » est une nouveauté par rapport au christianisme qui, du coup, s'en inspirera, par exemple après la prise de Tolède en 1085, pour faire cohabiter les religions, avec le même esprit, loin de notre « tolérance multiconfessionnelle ».
1 commentaire:
http://www.amazighworld.org/history/personalities/dihia.php
Ame de la résistance amazigh à la conquête arabe
dihia reine berbère du 7-8 ème siècles
Sa tête fut tranchée et envoyée comme trophée de guerre au calife.
horrible pffff
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