jeudi 4 janvier 2007

La dette d'Al andalus(2) ou l'histoire de la « basilique-mosquée-cathédrale » de Cordoue

Addendum du 07/01/2007 : Pour compléter cet article, je conseille de consulter l'analyse architecturale-photo à l'appui du conservateur de cet édifice religieux.



Dans un article paru dans le Monde du 30/12/2006,Cécile Chambraud, correspondante du journal à Madrid, nous informe de la querelle qui oppose les « autorités » catholiques de Cordoue avec les « autorités » musulmanes de cette ville à propos d'un lieu de culte.
Pour essayer de contextualiser cette rivalité confessionnelle, la journaliste dresse un rapide tableau historique. Ainsi, elle écrit :"Pouvoir prier dans ce lieu magique édifié pendant deux siècles (785-987) par les émirs, puis califes Omeyyades, littéralement éventré par une église cathédrale au XVIe siècle, après la Reconquista chrétienne d'Al-Andalus, est une revendication ancienne des musulmans espagnols."[1]Cette présentation historique tronquée lui permet d'utiliser le terme de "mosquée-cathédrale"(3 occurrences) pour désigner ce lieu de culte. L'histoire d’un édifice cultuel sur cet emplacement commencerait donc avec l'implantation d'une mosquée et continuerait avec sa subtilisation et transformation en cathédrale par les chrétiens au XVI siècle.

Or, l'histoire est un peu plus complexe que ne le laisse entendre le "reporter" du Monde.
Avant l'invasion islamique de Cordoue, la vie religieuse des chrétiens se déroulent en partie autour d’un grand complexe clérical-construit entre le IV et le VI siècle- qui comprend outre la basilique Saint Vincent, une école de clercs et divers services de charité. En 711, les troupes islamiques envahissent la ville et détruisent une partie du complexe. Une partie de la basilique Saint Vincent est réquisitionnée par les musulmans tandis que l’autre partie est réservée aux chrétiens. En 743, les chrétiens sont parqués dans les faubourgs, l'émir-gouverneur d'Al-Andalus leur enlève toute les églises du centre urbain, sauf la moitié de la basilique. En 785, l’émir Ald al-Rahman supprime cette moitié contre indemnité, pour transformer l'ensemble de l'édifice en mosquée. [2]" Le coût des travaux fut prélevé sur la vente du butin de l'expédition de Narbonne et une partie des matériaux prélevée sur les édifices détruits à Tolède. (...)La plupart des colonnes sont des colonnes de remploi empruntées à des monuments romains ou wisigoths, de même que les chapiteaux corinthiens, tous différents. Certaines colonnes, trop courtes, ont dû être exhaussées".[3]Al Hakam II procéda à des travaux d'agrandissements. "Le calife envoya une ambassade à Byzance auprès de l'empereur Nicéphore Phocas pour lui demander un ouvrier spécialisé dans le travail d'incrustation de la mosaïque. L'ambassade ramena l'ouvrier ainsi que trois cent vingt quintaux de mosaïque offerts par le basileus."[4]Les travaux d'agrandissement de la mosquée sous Al-Mansur employèrent " comme main-d'oeuvre un personnelle varié constitué par des captifs chrétiens, galiciens, francs et mêmes des prisonniers grecs(rumaniyyûn)"[5]En 1236, la « basilique-mosquée » devient une cathédrale. A partir de 1523, elle prend sa configuration architecturale actuelle.




Il reste à savoir si l’écriture partiale de cette histoire est le fruit de l'ignorance historique, de l'incompétence journalistique, d'un problème de lecture de dépêche AFP[6], ou d’un choix idéologique. Gageons que si le Monde s’engage à employer un vocabulaire destinée à retracer l’historique des lieux religieux dans ses articles, nous aurons droit à l’emploi du vocable "synagogue-temple romain- mosquée-église-mosquée" de "Jérusalem-al Aqsa" pour désigner le lieu de culte principal musulman de cette ville "d'Israel-Palestine".

Notes :
[1]http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-850638@51-846229,0.html
[2]Charles Emmanuel Dufourcq La vie quotidienne dans l'Europe médiévale sous domination arabe Hachette, 1978 p.72
[3]André Clot L'espagne musulmane Perrin,1999 p.151
[4] Sénac Philippe Al Mansur, Perrin, 2006 p.80
[5] Ibid, p.81
[6]http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-29243023@7-37,0.html extrait" "L'évêque a tenu à préciser que l'édifice, chef-d'oeuvre de l'architecture omeyyade (785-987), convertie en cathédrale en 1236 pendant la Reconquête chrétienne, avait été construite sur les ruines d'une basilique wisigothe, selon El Pais"AFP 28.12.06 12h07
Voir aussi l' article du journal ABC pour avoir l'ensemble des faits et pouvoir comparer avec la présentation du Monde:http://www.abc.es/20061228/nacional-nacional/iglesia-niega-abrir-mezquita_200612280305.html

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